L’eau, l’art et l’émotion pour faire place à l’égalité des genres
« Il n’y a pas d’outil de développement plus efficace que l’autonomisation des femmes. » — Kofi Annan, ancien secrétaire général des Nations unies
Les objectifs de développement durable sont un appel universel à l’action pour protéger la planète et mettre fin aux inégalités affectant des millions de personnes, notamment les femmes et les filles, qui sont souvent les plus touchées en raison des normes sociales existantes. Tel est le cas au Mali, où seulement 73,8 % des filles sont inscrites au système scolaire primaire de base, contre 85,8 % des garçons. Au secondaire, ce chiffre se réduit à 15 % chez les filles et à 21 % chez les garçons.1
Parmi les 17 objectifs établis par les Nations unies, des liens très étroits s’observent entre l’objectif 6 et les autres : un meilleur accès à l’eau, à l’assainissement et à l’hygiène (EAH) favorise, entre autres, la résilience climatique, la réduction des inégalités, l’égalité des genres, l’éducation, la santé et la réduction des inégalités, surtout celles qui touchent les communautés autochtones. Au Mali, la mission de la Fondation One Drop d’assurer un accès durable à l’EAH est essentielle pour autonomiser les femmes et les filles et faire rayonner l’égalité des sexes.
Depuis 2020, le projet SCOFI se concentre sur la scolarisation des jeunes pour maximiser la présence des filles à l’école, en plus de s’attaquer aux défis systémiques liés à la gestion efficace à long terme des installations sanitaires dans les établissements scolaires.
Avec ses partenaires, la Fondation One Drop déploie son approche phare d’Art social pour le changement de comportementMC (SABC) dans des écoles de Ségou, permettant ainsi d’améliorer la connaissance de la santé et de l’hygiène menstruelle, de briser les tabous culturels et de s’attaquer aux déterminants comportementaux à l’origine de pratiques et de normes sociales nuisibles. Afin d’en apprendre davantage sur ces activités d’art social, nous avons eu le plaisir d’échanger virtuellement avec Bintou Soumbounou, conseillère au Centre Culturel Kôrè (CCK), partenaire en art social de la Fondation One Drop dans le cadre du projet.
Malienne originaire de Ségou, Bintou a toujours été passionnée par l’éducation, la culture et l’art de son pays. Après avoir obtenu son diplôme en droit public interne, elle a suivi des formations de perfectionnement dans une variété de domaines et de sujets tels que le genre, la santé reproductive, la gestion culturelle et l’animation socio-éducative. Bintou occupe plusieurs rôles au CCK, notamment celui de conseillère et d’animatrice pour le Projet SCOFI, où elle emploie l’art social pour sensibiliser les adolescentes et adolescents aux enjeux portant sur le genre.
Dans la société malienne, les femmes sont souvent marginalisées pour des considérations socioculturelles et religieuses. Comme l’explique Bintou, cela crée des sentiments d’infériorité et de soumission. « Le défi dans le cadre de mon travail, comme je le vois, est de lever cet esprit d’infériorité et de faire en sorte qu’elles [les femmes et les filles] soient stables psychologiquement pour se sentir libres et responsables. »
Bintou est bien connue dans les écoles, où elle anime des discussions au sein de « clubs d’ados ». Dans ces espaces, elle aborde notamment les barrières sexospécifiques identifiées dans la phase de recherche du projet, les processus liés à la gestion menstruelle, et le concept du genre et de l’émancipation des femmes.
« Il y a les pressions sociales ici, au Mali, il y a le poids de la tradition et les variables sexospécifiques (…). Mais dès qu’on essaie d’expliquer que le genre est une question de complémentarité, d’entraide pour le développement de la communauté, du pays, des femmes et des hommes, parce que nous vivons ensemble, ils [la communauté] essaient de comprendre. » - Bintou Soumbounou, conseillère au Centre Culturel Kôrè
L’art social ouvre la porte aux discussions, aux émotions et à un éveil de conscience face aux perceptions ancrées chez l’individu. « (…) j’observe chez les participants de la curiosité, de l’attention, de l’engouement. Ils sont émerveillés par l’approche d’art social, qu'ils trouvent vraiment innovante et qui fait référence à leurs histoires. » L’art est aussi un outil favorisant le développement et l’autonomie des communautés. Bintou remarque que, peu à peu, les jeunes s’approprient les techniques d’art social et animent eux-mêmes les échanges. « Déjà, avec ma présence, avec la méthode que j’utilise avec eux, je ne vois pas ces clubs d’ados disparaître. Ils ne vont pas disparaître, ils vont prendre la relève sans même que je leur dise de la prendre. »
Les passages de Bintou dans les écoles lui permettent de rejoindre les autres acteurs du système, dont les parents, les chefs de village, les mairies, les professeurs hommes et femmes, les fonctionnaires du ministère de l’Éducation et les directeurs. Une fois impliqués, ces acteurs prennent des engagements face aux changements et interpellent d’autres personnes à se mobiliser.
Partout dans le monde, la Fondation One Drop reconnaît le rôle et l’importance des jeunes générations dans le changement social. En Haïti, elle aborde aussi la thématique du genre auprès d’adolescents et d’adolescentes dans le cadre des ateliers SABC du Projet PRISMA 2. Dans ces espaces, les échanges permettent de renforcer leurs connaissances sur la santé sexuelle et reproductive, de favoriser une sexualité plus responsable, d’établir des relations plus égalitaires et de lutter contre la violence basée sur le genre. Comme dans tous les projets auxquels One Drop collabore, les activités d’art social s’intègrent à un modèle systémique, le modèle A.B.C pour la durabilitéMC, afin d’entraîner des changements à long terme.
Reconnaissons l’impact de l’art et du changement de comportement comme le chaînon manquant pour des projets d’accès à l’eau durables, et l’accès à l’eau comme un élément fondamental pour favoriser l’éducation, l’égalité des genres et, ultimement, un monde meilleur. « On parle de l’art, et qui parle d’art parle d’émotions, justement. L’art social, pour moi, est un puissant vecteur de changement qui s’adresse à l’imaginaire des communautés. À travers la mobilisation dans un projet participatif de création d'outils d'art social, avec et pour ces communautés locales, on peut arriver au bout du chemin. », affirme Bintou.
1 UNICEF