L’art de changer des comportements et des vies
L’artiste musicien chanteur, compositeur, et producteur haïtien Wadner Peyizan nous a accordé une entrevue en différé sur son expérience de création, de réalisation et de diffusion du vidéoclip « Yon jes pou la sante ». Cette production a été réalisée dans le cadre d’une initiative d’Art social pour le changement de comportementMC du projet PRISMA 2 qui se déploie dans la région de l’Artibonite en Haïti.
Fondation One Drop : Qu’est-ce qu’a signifié cette expérience de création de la chanson Yon jes pou la sante pour toi?
Wadner Peyizan : D’avoir créé et chanté Yon jes pou la sante a signifié un lot de choses parce que c’était une mission importante pour moi de venir à la rencontre de Prisma 2 et de la Fondation One Drop pour mobiliser les populations autour de meilleures pratiques d’hygiène. C’était un projet qui tombait pile parce que dans la situation [de la crise sanitaire de la COVID-19], la population d’Haïti avait besoin de ça et voulait ça. C’était un beau geste. Jusqu’à présent, je suis très satisfait bien que notre mission ne soit pas encore terminée.
FOD : Qu’est-ce que l’enregistrement du vidéoclip avec les acteurs du milieu a ajouté à cette expérience?
WP : Ce qui m’a le plus touché de tourner cette vidéo avec la participation des gens des milieux hospitaliers, c’est le fait même de leur présence qui était très importante. Faire une vidéo sans la participation de ces gens qui sont responsables d’offrir les soins de santé à la population, c’est comme si je m’étais lavé les mains pour nettoyer le plancher, ça n’aurait fait aucun sens. Leur présence et leur participation m’ont inspiré et rendu heureux, vraiment.
FOD : En quoi cette expérience a-t-elle changé ou renforcé ta perception sur la responsabilisation de tous pour le maintien d’établissements de soins de santé propres et la prévention de toutes sortes d’infections? Comment vois-tu que la musique, la chanson et la vidéo peuvent aider à relever ces défis en Haïti?
WP : Actuellement, la jeunesse haïtienne est très friande de musique. C’est la raison pour laquelle plusieurs personnes font de la musique tout en ne portant pas nécessairement des messages qui sont bénéfiques pour tous. Cela peut expliquer en partie pourquoi il y a autant de problèmes en Haïti. C’est d’autant plus important que des artistes s’investissent pour orienter la jeunesse surtout avec des messages constructifs, elle qui se trouve souvent absente des bancs d’école pour étudier. Pour cette raison, la jeunesse porte une écoute attentive à la musique ces jours-ci. La musique chantée avec la vidéo, pour moi, c’est la meilleure façon pour combattre les mauvaises pratiques d’hygiène en Haïti.
FOD : As-tu reçu des échos des effets de cette production depuis qu’elle est diffusée sur les réseaux sociaux?
WP : Oui, j’ai reçu des feedbacks non seulement en Haïti, mais partout dans le monde où cette musique a voyagé. Notamment aux États-Unis. J’ai fait plusieurs entrevues radio qui m’ont confirmé que cette chanson fait son travail pour orienter les gens sur comment ils peuvent agir pour favoriser l’hygiène dans leurs localités. Cette musique a un gros impact et je suis très fier de cela.
FOD : Dans la deuxième capsule vidéo à laquelle tu as collaboré, tu as pris la parole personnellement pour assurer que les gens respectent les comportements et gestes barrières au pays pour prévenir la transmission de la COVID. Est-ce que tu as l’impression d’avoir été entendu? Quelle différence fais-tu entre ta parole d’artiste et ta parole citoyenne?
WP : Oui, les gens m’ont remercié et m’ont dit qu’ils étaient prêts à appliquer ces conseils sur les règles d’hygiène abordées dans la vidéo et qu’ils sont toujours là pour apprendre. Personnellement, je ne fais pas grande différence entre la parole d’artiste et la parole citoyenne. Pour moi, c’est le citoyen qui nourrit l’artiste. Autrement dit, sans notion citoyenne, y a pas d’artiste! Les deux ne se séparent pas. En tant qu’artiste, je suis inspiré et nourri par le vécu et l’expression des citoyens.
Sous-titres en français
FOD : Si tu étais ministre des Arts, de la Culture et de l’Éducation en Haïti, ou même de la Santé, quelles décisions prendrais-tu à l’égard de la place de l’art et de la culture au service du développement du pays?
WP : J’accompagnerais tous les artistes pour faire passer des messages constructifs et leur ferais y voir leurs intérêts. Je parlerais aux médias pour les sensibiliser à diffuser des musiques qui ont des messages importants et qui pourraient changer la communauté haïtienne et leur montrerais leurs intérêts dedans aussi. Parce que, s’ils y voient leurs intérêts, ils le feraient. Pour la culture, j’apprendrais la culture haïtienne à tous les Haïtiens, en commençant par les écoliers. De nos jours, la culture haïtienne est méconnue. Je leur apprendrais à danser la danse haïtienne, parler la langue haïtienne, coudre des habits haïtiens et s’habiller en haïtien, faire des expositions de produits haïtiens. Pour la santé, je mobiliserais les artistes dans des campagnes de sensibilisation pour nettoyer, diffuser de bons messages dans les centres de santé et les communautés. En matière d’éducation, j’introduirais le reboisement comme matière et elle serait comptabilisée comme note de passage.
Propos recueillis par Pierre Inodyl Fils, avec la collaboration de Luc Gaudet et Pascale Gravel-Richard.